Grandir
Faire l'enfant n'est pas être enfant .Faire l'adulte n'est pas être adulte. Enfance prolongée =infantilisme=vieillesse, attachement à ce qui ne doit plus être, attachement au temps, attachement à la mort, attachement à ce qui doit mourir ; vie par procuration, vie dans le souvenir, illusion de vie, fausse vie.
Devenir adulte, c'est permettre au serpent de quitter sa vielle peau, de muer et de se régénérer. C'est permettre à l'automne de succéder à l’été. Faire l'enfant indéfiniment, c'est arrêter le cours des saisons, c'est stopper l'élan de la nature. Stérilité. Celui qui fait l'enfant toute sa vie n'a pas respecté le mouvement évolutif de sa destinée : il ne récoltera pas les fruits. Les fruits de l'été qu'il a voulu posséder et conserver jalousement pourriront à l'intérieur de lui. Mais celui qui est parti conquérir l'adulte de lui-même répandra l'humus ; les feuilles tombées de l'automne (vêtements devenus inutiles, vielles habitudes, vieux désirs, vieux attachements), volontairement délaissés, enrichiront la terre du progrès intérieur .Vient ensuite le dénuement librement consenti de l’hiver. Mort apparente .Préparation lente et discrète, profonde et sûre d'une nouvelle vie. Invisible tremplin vers un nouveau monde, nouvelles fondations chaque fois plus solides .Puis le printemps approche. L'appel est irrésistible. Les bourgeons craquent. La force de vie surgit dans toute sa splendeur. Alors ceux qui ont suivi les Tables de la Loirécoltent les fruits savoureux et colorés de leur effort. Faire l'adulte ou faire l'enfant ne sont que froides imitations d'un comportement de façade. Etre adulte, c'est faire grandir son enfant intérieur.
Marie-Christine Poinsard