Bruit et silence
Il y a l'enfance pure, le temps de la candeur, de l'amour généreux, le temps de l’insouciance. Puis vient l'adolescence aux éclairs fulgurants d'une lucidité parfois trop douloureuse. Eveil de l'intellect, des grandes philosophies, d'un idéal humain de justice et de paix. Puis c'est l'adulte qui, confronté aux problèmes de la vie, élève ses enfants, gère son quotidien et tente d'accomplir son travail pour le mieux. Il prône des idées, en change quelquefois, affine ses arguments, enrichit ses pensées, clame ses opinions. Bienvenue au royaume du tout mentalisé.
Puis un jour, on ne sait par quel tour de passe-passe, un éclair le traverse, soudain il est touché. Quelque fée Mélusine, un ange ou un éveil vient transformer sa vie en quête spirituelle. Un travail véritable dorénavant commence, son âme insatisfaite n'aura plus de répit, un mouvement intérieur le projette en avant et ouvre son regard aux mystères du présent
Le paradoxe est là : il découvre bientôt que pour évoluer il devra reculer. Il devra point par point redénouer la trame, détricoter les mailles savamment travaillées, apprendre le silence pour pouvoir écouter la voix de la Sagesse et sentir à nouveau palpiter l'innocence en son cœur purifié .Un étrange phénomène alors bientôt s'installe : il devient étranger aux discours de façade. Son cerveau déserté par les grandes envolées, les critiques imparables, les preuves par A+B, il est comme un bébé aux sens exacerbés, un idiot du village aux pensées disparues. Et sa concentration, devenue sélective, ne connaît qu'un langage : l'accent de vérité. Les plus beaux raisonnements, les plus brillantes thèses sont langues étrangères, charabia ténébreux, emphase qui sonne creux .Il se voit peu à peu retourner à l'enfance, mais avec la conscience d'une Ame universelle, avec la connaissance des actes essentiels
Marie-Christine Poinsard