La pendule de la salle de bain
On dirait une pendule - un cadran avec une aiguille, un chiffre au milieu et des petites barres avant et après. Quand l’aiguille est avant, on se sent tout léger et le moral a un air de printemps. Quand c’est après, on a la mine des lendemains de fête. On essaie à nouveau, au cas où il y aurait une erreur, mais non c’est bien ça.
Bien décidé à vérifier une dernière fois et à ne pas laisser des petites barres après une aiguille vous saper le moral, on se précipite dans l’armoire. On saute dans son pantalon, on rentre le ventre. En tirant un peu sur le bouton ça va aller. Complaisamment on jauge son image dans le miroir. Le bouton, comme un projectile, traverse la pièce et se fiche juste entre le mur et le lit. Se débarrasser de la pièce à conviction, faire comme si on n’avait rien vu. On replace l’objet dans la pile des vêtements à réessayer … l’année prochaine.
On entame une sorte de marathon qui nous conduit tous les jours à grimper sur la balance. Un peu plus sur le pied droit, un peu plus sur le gauche – on dirait un exercice de step, mais c’est toujours le même poids. On essaie aussi le soir au cas où dans la journée ils nous auraient quitté comme on vide un appartement, mais c’est pareil.
Avec un oeil qui rappelle le scalpel, on se déshabille du regard. Les petits mots de la petite phrase assassine, celle que les autres savent nous infiltrer aussi sûrement que la graisse dans les tissus, s’immisce dans notre esprit. « Ca doit être l’âge. » Pourtant on pèse juste un peu plus que son âge. Et là d’un coup années et kilos s’accumulent dans une sorte de compacité qui précipite l’angoisse de penser qu’on va avoir l’âge de son poids.
Quand l’âge et le poids cohabitent sur le même trait, les rides s’étirent sur la pendule de notre vie.
Extrait du livre. : Affaires de femmes….mais pas seulement de Laurence Luyé Tanet( adhérente des 3 mondes) aux éditions « Regain de Lecture »