Je ne voulais pas grandir
Marie Christine m'adresse de temps en temps des textes. Ils sont tous beaux et j'aime sa façon de dire les choses. C'est profond et sincère, authentique. Elle est capable de se livrer, âme nue, avec des accents de sincérité. Ses textes donnent toujours à réfléchir. La vie est courte. Alors de temps en temps , il est bon d'aller à l'essentiel.
J'ai eu une grande nostalgie de mon enfance à l'adolescence parce que je ne voulais pas grandir, je ne voulais pas ressembler à tous ces adultes aux airs renfrognés qui peuplaient mon univers. Les rudesses de la guerre, sans doute.
Un enfant qui a été aimé a l'avantage de partir plus fort, plus sûr de lui, plus confiant dans la vie que les autres. Mais il sera peut-être aussi plus dépendant et nostalgique de cet amour idéal qu'il ne retrouvera pas forcément plus tard dans sa vie.
L'enfant qui a souffert partira avec de gros handicaps mais il aura au moins l'avantage de trouver la vie de plus en plus belle et intéressante au fur et à mesure qu'il avance en âge.
Les seuls moments de bonheur parfait que j'ai pu éprouver étaient mes moments de jeu. Seule ou avec des copains, dehors, le temps ne comptait plus, l'imagination n'avait plus de limites. C'était une sensation d'extase ludique, la sensation que Dieu jouait avec moi. Il m'enveloppait de bienveillance. Son souffle était l'air que je respirais et que je sentais sur ma peau ; ses bras, ses mains faisaient mouvoir le vélo, le tricycle, la trottinette sur lesquels je me hasardais à faire des acrobaties, et qui me retenaient lorsque j'allais tomber ; son amour était la joie, le bien-être que je ressentais. La nuit tombait et je ne la voyais pas. La brise se faisait plus fraîche et elle ne me gênait pas. Tout était agréable, infini, éternel.
Aïe! Brutal retour à la réalité: j'aperçois mon père qui arrive à grands pas, le martinet à la main. Retour immédiat à la maison de l'enfer.
Il n'y a pas eu que le martinet, heureusement. J'aimais la compagnie des vieilles personnes, j'y trouvais le calme et la sécurité. Pendant les vacances scolaires, je passais des heures assise sur les genoux de mon grand père en regardant rêveusement par la fenêtre. Je ne pensais à rien du tout. C'était de la méditation sans le savoir.....
Je faisais aussi la tournée des fermes à vélo avec ma grand mère( une habitude qu'elle avait gardée des temps de guerre) pour acheter de la bonne crème fraîche, du lait, un poulet ou un lapin.....
Une anecdote : Pendant l'occupation, cette même grand-mère, qui avait du caractère, se trouvait un jour sur une route de campagne avec sa sacoche remplie de victuailles (formellement interdit par les lois de la gestapo) ne savait pas très bien manier le frein . Un Allemand surgit au beau milieu du chemin, lui faisant signe de s’arrêter. Elle atterrit en plein entre les jambes du soldat allemand. Elle était tellement contrariée d'avoir été ainsi gênée dans sa course qu'elle se mit à vitupérer tant et plus. L'homme en fut si ébaubi qu'il la laissa partir sans demander son reste. Donc pas de nostalgie puisque ces moments de bonheur, qui sont l'éternel présent, peuvent se retrouver à volonté. On pourrait comparer "l'extase ludique" à la création artistique. On a tous besoin de créer. Pas étonnant ! Marie Christine