La mission
L’autre jour, je descends de l’autobus pour cause d’embouteillage, décidée à faire le reste du chemin à pied. Un vieux monsieur chauve à barbe blanche (un peu comme Dieu le Père dans les dessins de Jean Eiffel) fait comme moi et chemin faisant, nous commençons à parler, d’abord des difficultés des transports en commun, puis :
Lui : Je ne prends pas le métro, à cause des attentats.
Moi : Vous croyez qu’il peut y en avoir ?
Lui : Oui, j’ai des informations, alors je ne prends pas le métro. C’est trop risqué.
Moi : Je ne dis pas qu’il n’y a pas de risque, mais cela ne m’empêche pas de prendre le métro.
Lui : Vous comprenez, je ne veux pas encore partir avant que ma mission soit terminée.
Moi : Et comment sait–on qu’elle est terminée ?
Lui : Quand on n’est plus utile à la société.
Moi : Dans ce cas, bien des gens doivent se sentir inutiles, mais est–ce que leur mission est terminée ?
Lui : C’est parce que le système les a rendus inutiles, mais ils pourraient être encore utiles.
La conversation s’est arrêtée là parce que nos routes divergeaient ensuite, mais cela m’a fait réfléchir. D’abord au fait que je refuse de raisonner en termes de utile/inutile. Un ouvrier d’une usine d’armement est utile au regard de la société telle qu’elle fonctionne aujourd'hui ; je n’ai pas besoin d’en dire plus. D’autre part, je ne suis pas certaine que l’on vienne sur terre avec une mission bien déterminée. Peut–être que certains le ressentent ainsi ; je ne le rejette pas non plus. Mais je pense plutôt qu’il nous appartient à chacun de trouver quelle peut être notre mission et que c’est un de nos espaces de liberté à exercer. Et vous, qu’en pensez–vous ?