Le Chott El Jerid

Au détour d’un virage, le paysage se met à changer brusquement. Pendant plusieurs dizaines de kilomètres la route devient rectiligne comme si elle allait rentrer dans l’horizon. Les arbres ont disparu depuis belle lurette et les touffes d’herbes se font de plus en plus rares. Nous entrons dans le Chott El Jerid, le lac salé, recouvert il y a des millions d’année, par la mer. Il ne reste plus rien qu’un espace désertique dont le sol est incrusté de sel avec, de temps en temps, des étendues d’eau saumâtre et stagnante aux couleurs rose et violette.
La route, construite récemment, traverse en largeur tout le Chott El Jerid. Légèrement surélevée, elle relie Tozeur à Kébili, l’une des dernières villes importantes à l’entrée du Sahara.
L’entrée dans leChott El Jerid est un véritable choc visuel. D’abord les couleurs. Imaginez une vaste étendue de sel blanc avec des reflets parfois bleus, parfois roses. Pêle-mêle surgissent des images de paysages lunaires ou bien des paysages de neige avec tout au fond sur la droite une chaîne de montagnes de basse altitude qui longe le lac salé, aux couleurs ocres, écrasées par les rayons d’or du soleil. Ce qui paraît extraordinaire, ce sont les changements d’ambiance et de couleurs  selon l’orientation du regard, face au soleil ou le soleil derrière soi. Et puis la nature dans toute sa nudité qui vous happe brutalement vous transportant dans un autre monde, une nature dépouillée, réduite à sa plus simple expression : le lac salé et le ciel, mais ô combien vivante.
Et puis le vent qui murmure une douce plainte. Nous descendons de voiture pour profiter de ce moment intense. J’ai alors l’impression d’un contact direct avec quelque chose d’immense, de vaste, comme si brusquement je me sentais relié au cosmos. Je m’arrête, j’écarte les bras et je sens le vent qui me traverse. Je m’abandonne totalement au plaisir de cet instant. Je sais que ce moment d’intensité à la fois sensuel et spirituel restera gravé au fond de moi.