Sur un coup de tête

Oui, j'ose le dire, j'ai approuvé le coup de tête de Zidane, dès le début et sans hésitation. Pas par esprit de vengeance, pas par esprit de violence, pas non plus par pur nationalisme. Les paroles du joueur italien m'ont profondément choquée et rien d'autre ne comptait plus pour moi . A partir de là, rien ne pouvait être pire, pas même un coup de tête en pleine poitrine

Bien sûr que je défends la paix, bien sûr que je suis contre les violences physiques, mais il y a des violences morales qui blessent. La blessure de Materazzi est-elle aussi grave que celle de Zidane ?Et puis, au-delà de ces considérations, l'événement avait une valeur d'avertissement mondial que les hommes n'ont pas su voir, comme d'habitude . On a pu observer plusieurs réactions

.1- Celle des admirateurs du joueur de génie qui les a fait "vibrer", "rêver", les inconditionnels qui lui pardonnent tout. Mais s'agit-il de pardonner ?

2-Celle des déçus du mondial, supporters et commentateurs sportifs, pour qui seule la victoire comptait, les blessés de l'ego personnel et national porteurs de honte et de rancune.

3- Celle des moralistes étroits et des "éducateurs" qui prônent le bon exemple et condamnent un peu vite le geste malheureux. Ceux-là sont les mêmes qui excusent les paroles débordantes des stades : "que voulez-vous, sur les stades, on entend toutes sortes de choses, c'est normal, il ne faut pas y prêter attention !"

Pas une seule fois, je n'ai entendu dire qu'il fallait mettre un terme aux obscénités proférées sur les lieux sportifs. Si j'insulte mon voisin, il peut porter plainte et m'envoyer en prison. Sur un stade, j'ai l’immunité. Alors pourquoi me priver ? Il nous fallait un mort pour ouvrir les yeux. Ca y est, nous l'avons ! Un policier a tué un supporter raciste. Légitime défense, heureusement pour lui ! Encore un (le policier, j'entends) qui a dû se sacrifier pour faire comprendre au monde engourdi que le mot habitude n'est pas la meilleure rime pour le mot mansuétude. Les guerres lointaines ne sont pas plus violentes que celles qui sévissent à nos portes, seulement on a tendance à mieux voir les unes que les autres.

Zidane avait un destin. Il l'a magnifiquement rempli, du début jusqu'à la fin de sa carrière de footballeur. Il a montré ses magnifiques capacités physiques, sa probité morale, sa modestie et son admirable esprit d’équipe. Il a réagi "sur un coup de tête" le jour le plus important de sa vie professionnelle, risquant son honneur, sa renommée, sa sortie en beauté et...la victoire de l'équipe de France. Il faut être sacrément solide pour accomplir un tel exploit et tenir bon face au déferlement de réactions du monde entier. Le but était de montrer l'insignifiance d'un match de football, fût-il de coupe du monde, comparé à l'horreur banalisée des paroles haineuses et des sentiments qui les accompagnent dans notre vie de tous les jours. Le but a été moyennement atteint : l'affaire Zidane a déstabilisé un état de fait, jusque là accepté de tous, permettant de franchir une première étape de réflexion et de remise en question. La deuxième étape, qui se solde aujourd'hui par un meurtre, conduit à prendre des mesures plus fermes en ce qui concerne les paroles et les actes inadmissibles. Estimons-nous heureux qu'il n'y ait qu'un seul mort et n'attendons pas l’hécatombe.

Zidane s'est sacrifié et a utilisé sa notoriété (tout cela, peut-être à son insu) pour faire bouger les mentalités. Il s'avère que les frilosités morales autant que les rigidités dogmatiques sont critiquables
On ne doit pas tout accepter, on ne doit pas non plus condamner tout ce qui sort du chemin bien tracé de nos concepts moraux .Combat intérieur : je suis contre toute forme de violence physique et contre toute violence morale. Comment vais-je résoudre le cas Zidane ? Pas en opposant un type de violence à un autre mais en acquérant une plus grande souplesse de caractère et de réflexion. Il faut procéder au cas par cas. Zidane, c'est Zidane, on connaît ses antécédents et on sait qu'il n'a pas agi sans raison valable. Dans un autre cas, celui d'un joueur plus douteux, je prendrais peut-être la position inverse .Les deux événements évoqués plus haut sont évidemment liés. N'attendons pas la troisième étape qui ne manquerait pas de faire beaucoup plus de morts. Soyons attentifs aux signes qui nous montrent la voie !

Marie-Christine Poinsard

Comments

[marie-christine]

En tout cas, il reste le premier joueur de tous les temps pour ses grandes qualités morales . C'est ça qui compte, à mon avis .

[Henri]

N'empêche, ce coup de boule lui aura coûté cher. Sur le classement dehttp://www.rankopedia.com sur le meilleur joueur français de tous les temps, Zizou n'est même plus premier. C'est Platini qui arrive en tête.