Soigne toi mais reste malade !

Ressentant dernièrement le besoin d'un petit remontant vitaminique, je pousse la porte d'une énième pharmacie (j'en change à chaque fois), espérant trouver enfin la perle rare, le grain d'humanité en un lieu où les froideurs impeccables des tiroirs métalliques donnent rendez-vous à toutes les misères du monde.

Déception. Invariablement se répète le même scénario : devant moi, une vielle dame à l'ordonnance copieusement fournie adresse ses interrogations angoissées au professionnel en blouse blanche qui dispense ses réponses de professionnel à la pauvre dame en quête de paroles rassurantes. On la sert, on l'écoute, on s'intéresse à son cas, on se prosterne tout en fixant du coin de l'œil la valse merveilleuse des chiffres additionnés sur le clavier.

Arrive mon tour, je crains le pire ... Sourire accueillant, crispé mais accueillant tout de même. "Je voudrais une boîte de vitamines». Le sourire baisse d'un cran. On revient avec la boîte, le sourire a complètement disparu. Les yeux posés sur l'ordinateur du comptoir, on m'annonce d'une voix sans timbre la piètre somme de 7 euros trente .On me dit au revoir, politesse oblige, et je repars avec la drôle de sensation d'avoir enfreint une règle, d'avoir trahi quelqu'un ou quelque chose. J'ai commis le sacrilège de ne pas être malade.

Marie-Christine Poinsard