Le secret du bâton

En vacances ? Un peu plus de temps pour lire ? Voici un petit conte tiré du délicieux livre de Henri Brunel, "Le moustique - 70 histoires zen pour rire et sourire" (éditions Librio).

Le secret du bâton

Il était une fois un maître zen que son disciple vénérait. Il le suivait comme son ombre, l’approuvait en tout, imitait ses moindres gestes et n’osait presque, sans lui, respirer.

« Toshi, disait le maître, il va te falloir un jour me quitter, secouer sur mon seuil la poussière de tes sandales et t’en aller sur les chemins. Il n’y a d’Éveil que personnel. Le Zen est liberté. »

Mais rien n’y faisait. Le disciple restait attaché aux pas de son maître, guettait ses sourires et toujours le servait. Alors un jour, le maître le fit venir pour un entretien et lui parla ainsi :

« Toshi, il est temps que je te confie un secret. Vois-tu, ce n’est pas moi qu’il faut révérer, mais mon bâton. Tu as bien observé qu’au cours de mes promenades, c’est toujours lui qui me précède. C’est mon bâton qui connaît le chemin et me l’indique. Quant à moi, je m’efforce de lui obéir et de lui ressembler. »

Dès ce jour, l’attitude du disciple changea. Il regardait le bâton de son maître avec un nouvel intérêt. Il s’en procura un semblable. A la fin de l’année, il annonça son départ, et bientôt, il s’en alla seul sur les chemins…

Ce récit malicieux, commente Henri Brunel, nous fait souvenir d’une vérité : « Le Zen est juste en face de chacun. » S’il est nécessaire d’avoir un maître, il faut un jour le quitter. Il n’y a de Voie que personnelle. « Je vous enseigne la liberté », dit le Zen.

Image : Ko : l’éveil
  Calligraphie de Maître Deshimaru