La puce miraculeuse
Promettez-moi, êtres humains, de ne pas succomber à la tentation de la dernière trouvaille technologique : la fameuse puce électronique incrustée dans la chair .Ne me laissez pas seule ! Car j'ai horreur d'être charcutée (même sur un centimètre de peau) et l'idée d'un corps étranger dans le mien m'horrifie tout autant.
Bien sûr, la puce miracle ouvrira les portes de votre voiture et de votre garage, allumera votre télé, fera défiler les données sur votre ordinateur, remplacera votre carte bancaire et les autres, que sais-je encore ... Elle sera votre laissez-passer dans tous les grands magasins, les gares, les postes, les aéroports, etc ... Sécurité oblige !Bien sûr, vous pourrez même, grâce à elle, apprendre des langues étrangères et l'orthographe et la grammaire, connaître vos maladies à l'avance et réserver à distance une place de choix au Père La Chaise
D'un seul coup d'œil, employeurs et administrations connaîtront tout de votre vie : votre profil psychologique, votre généalogie, vos qualités et vos points faibles, vos potentiels, vos habitudes, l'histoire de votre enfance, si vous faisiez pipi au lit .D'ailleurs, le processus est déjà en marche . On "opère" les animaux (ours, baleines, singes et compagnie), sous des prétextes écolos, des prisonniers pour leur laisser la liberté, des enfants pour mieux les protéger .Nous avons tous été séduits par la providentielle souris qui nous aide tant dans nos recherches, dans nos contacts entre amis. Imaginez ! Avec une puce transportable, nous serons doués de télépathie ! Demain, la puce qui fait maigrir, celle qui rend beau, intelligent ou rigolo, celle qui stimule la libido, tous vos désirs sur un plateau .Petit bémol dans le décor : qu'adviendra-t-il si le charmant appareillage attrape un virus ?
Ah, suis-je bête ! On installera dans le bras, le front, le cou, la jambe, le ventre (peu importe) une deuxième puce, une anti-virus. Puis une troisième, une quatrième, une cinquième ...Non, de grâce, ne me laissez pas seule cuver ma honte, mon entêtement de ringarde, mon refus obstiné du progrès ! Ne me laissez pas seule, le jour venu, essuyer les quolibets de mes congénères !Je n'y peux rien, je vous l'ai dit : j'ai la terreur du bistouri !
Marie-Christine Poinsard